Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
LA MÊLÉE

inconnus, d’une nocivité inouïe. Une nuée invisible roula vers le Nord sur toute la surface du continent. Les effets en furent immédiats et terribles : sur une profondeur moyenne de trente lieues, la mort faucha implacablement. Seuls échappèrent ceux qui se tenaient terrés au fond de grottes bien closes ou qui voyageaient au-dessus de la nappe empoisonnée. Tous les glisseurs qui, de minute en minute, se succédaient sur les chaussées, arrivèrent chargés de cadavres aux stations de la frontière et s’y écrasèrent les uns sur les autres.

Quand les postes météorologistes du Nord tentèrent de réagir, il était trop tard : la nappe était passée et se dissipait d’elle-même au-dessus des déserts, où les gaz perdaient rapidement leur nocivité.

L’attaque, d’ailleurs, se renouvela au nord sous une autre forme. Pendant que la météorologie lahoriste dirigeait ses efforts de défense vers la région équatoriale, l’invisible fléau menaçait le lointain arrière-pays. Depuis plusieurs jours, en effet, de vastes nuées de cristaux microscopiques étaient emportées par des courants rapides de la haute atmosphère. Dans la nuit du 13 au 14, un immense chapelet orageux se forma soudain au-dessus des rives méditerranéennes. Les nuées crevèrent toutes à la fois. Une pluie empoisonnée tomba par torrents ; citernes et rivières furent immédiatement polluées. L’orage terminé, une légère brume asphyxiante monta des terres surchauffées.

Les victimes furent encore innombrables. Des millions de Lahoristes, la poitrine brûlée, la gorge détruite, se tordirent à la fois dans une épouvantable agonie silencieuse. Pendant quelques heures, un râle sourd, qui était comme la plainte immense