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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

ces régions, Salem, plusieurs fois par jour, s’arrêtait, anxieux, devant l’écran du cinétéléphone. À midi, le 12 juin, comme il venait de se mettre en communication avec le Haut-Comoé, le vieillard recula en jetant un cri d’effroi : des bruits d’explosion sortaient des écouteurs, des ronflements d’incendie, des hurlements de fureur et d’épouvante.

Harrisson et Lygie, qui se trouvaient à table dans une pièce voisine accoururent à l’appareil. Une scène navrante s’offrit à leurs yeux : des centaines de fanatiques lahoristes se ruaient à l’assaut d’un alignement sudiste. Dans les jardins, autour des habitations, on apercevait comme un grouillement de fourmilière. Des femmes étaient aux premiers rangs, dressées en des poses héroïques.

Le vieux Salem, d’un doigt tremblant, désigna au milieu de l’écran une petite maison cernée par les furieux : déjà, autour de cette maison, des bâtiments d’exploitation, des récoltes entassées flambaient. Harrisson rétrécit le champ de vision : l’image centrale emplit le cadre. Et l’on vit s’ouvrir brusquement la porte de la maison ; un homme parut au seuil.

— Pierre ! cria Salem. Pierre !… mon fils !…

Harrisson voulut ramener le vieillard en arrière, mais il résistait, se cramponnait à l’appareil, le visage ravagé d’angoisse. La scène se déroula tout entière sous ses yeux ; elle fut d’ailleurs très rapide.

L’homme essayait de parlementer ; une clameur couvrit sa voix.

— À mort le chien sudiste !… Au supplice !… Qu’on le brûle !…

Des femmes bondissaient, griffes en avant ; des projectiles commençaient à pleuvoir. L’homme parut hésiter pendant quelques secondes ; ses yeux