Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On était en avril. Tous les matins, Séverin sortait du lit vers trois heures, et dès qu’il avait pris son pantalon et trouvé ses sabots, il réveillait Delphine. Elle aimait à se laisser secouer comme une paresseuse ; elle geignait, s’étirait, glissait entre ses mains ; puis, soudain, lui jetant les bras autour du cou, elle s’enlevait d’un souple mouvement de reins et retombait assise sur le bord du lit, les jambes pendantes.

— Donne-moi mon corset ! et mes sabots ! vite, vite !

Elle riait, toujours un peu gamine, malgré ses vingt-six ans ; lui, moins gai de nature, finissait cependant par s’amuser aussi. Ils s’habillaient dans l’obscurité, par économie ; elle avait l’habitude de se coiffer à la ferme une fois le jour venu.

Le soir, Séverin passait chercher sa femme en revenant des Marandières. Ils rentraient ensemble, lourds de fatigue ; le samedi ils s’attardaient par les vergers ; dans les endroits sombres ils marchaient tout près l’un de l’autre comme avant leurs noces ; en arrivant au Bas-Village, ils se séparaient un peu.

Ils vivaient tendrement la journée du dimanche. Séverin, comme à l’habitude, allait chez son patron pour aider au pansage ; mais dès que la soupe était mangée, sur les huit heures, il revenait aux Pelleteries. Delphine avait déjà déjeuné, balayé, ciré le buffet et sorti les belles bardes ; la maison s’éclairait d’un peu de soleil, et la chemise blanche, dépliée, égayait la couverture du lit. Séverin n’était jamais aussi heureux qu’à ces mo-