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la maison, il ne tolérait pas qu’on appelât la petite autrement que Louise. Il voulut également qu’elle prît des bas ; mais outre qu’elle n’en avait guère, il est toujours bon qu’un cherche-pain aille nu-pieds et mal vêtu. D’autres tracas vinrent qui firent oublier ceux-là ; Louise resta Bas-Bleu pour tout le monde, ce qui d’ailleurs était sans importance.

Il y avait deux autres petits mendiants aux Pelleteries ; ils passaient chercher Bas-Bleu et les trois enfants faisaient leurs tournées ensemble.

Pieds nus, le ventre vide, ils s’en allaient dès le matin par les sentiers de traverse qui conduisent d’une ferme à l’autre. Ils s’arrêtaient à chaque porte. Quand personne ne les avait entendus arriver, ils toussaient timidement d’abord, puis plus fort pour avertir la ménagère. Si celle-ci était occupée ailleurs, ils s’asseyaient sur le seuil et tapaient du coude dans la porte en chantonnant d’une voix traînante :

— Charité, s’il vous plaît ! Charité ! Charité, s’il vous plaît !

— Qu’est ça ?

— Les cherche-pain ! Charité, s’il vous plaît !

— Combien ? disait la voix.

— Deux, trois !

Parfois, ils frappaient en vain ; la porte ne s’ouvrait pas et ils attendaient des heures entières, grelottant aux mauvais jours.

Il leur arrivait de galopiner le long des routes, mais il fallait ensuite rattraper le temps perdu. Les tournées étaient longues, car il y avait des gens qui fermaient leur porte en disant :