Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’autre, docile, se baissa pour travailler.

Mais le froid était terrible. La pluie, une pluie placée qui devait faire du verglas sur la route, avait recommencé à tomber. Le vent courait au travers en sifflant ; il l’éparpillait menu et la jetait avec furie sur les choses. Les gouttes à peine fondues cinglaient comme des mèches fines ; elles tombaient avec un bruit mat sur les choux qui les secouaient sur le dos des effeuilleurs. Séverin entendit encore une fois la plainte du petit gars.

— Oh ! j’en crève !

Il se releva agacé :

— Dis donc, fainéant, tu n’as pas fini ! Tu ne peux pas travailler sans te plaindre ? Qui m’a fichu une demoiselle pareille ?

Mais le jeune homme pleurait. Séverin, tout de même, s’approcha pour voir.

Debout dans la raize, pitoyable comme un chien maigre avec ses habits mouillés qui lui collaient au corps, Fourchette tendit au bout de son bras mince une main énorme qui ne semblait pas être à lui, une main violette d’engelures où deux grandes crevasses s’étaient ouvertes et saignaient.

— Je ne peux plus, bredouilla-t-il. C’est mes fentes… Je me suis fait mal tout à l’heure… et à présent pas moyen de fermer la main.

Il tremblait comme si le vent l’eût lui-même secoué et de grosses larmes roulaient sur sa face verdâtre.

Séverin fut pris de pitié.

— Diable ! tu saignes, mon pauvre Fourchette !