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L’épicier, ayant vivement ramassé sa marchandise souillée, fila. Alors Delphine, s’agnouillant sur une chaise près du lit, saisit les mains de Georgette et elle pleura tant sur les pauvres menottes brûlantes que l’enfant se réveilla.

Séverin ne rentra qu’après la nuit tombée. Il avait hésité avant d’aller conduire les conscrits : il se trouvait un peu vieux déjà pour être au milieu de cette jeunesse et puis il ne se rappelait plus bien les sonneries. Pourtant, comme l’occasion de gagner dix francs ne se présente pas souvent pour un valet de ferme, il s’était décidé.

La journée fut fatigante, pleine de cris, de chansons, de ululements. Séverin joua consciencieusement en passant dans les villages ; les conscrits, reconnaissants, payèrent à boire au chef-lieu de canton. Après le tirage, ils se battirent un peu avec leurs camarades d’une commune voisine ; Séverin, cependant, finit par les rassembler tous et les ramener. Le soir, sur la place du bourg, ils firent grand tapage, s’arrêtant de chanter pour boire et de boire pour chanter ; enfin, à la nuit, ils entrèrent à l’auberge pour achever de se soûler.

Séverin ayant parlé de partir à ce moment-là, ils exigèrent qu’il restât jusqu’à la fin. Lui, d’ailleurs, voyant qu’il ne comptait pas pour le paiement des écots, ne se fit pas trop prier. Il s’installa résolument à boire, mais comme il n’était plus habitué au vin, il se trouva gris un des premiers.