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— Il t’aura fait du mal ! Fallait pas te battre, voyons ! Fallait t’en venir ! Comment allons-nous faire pour le gage ? Ta chemise est perdue !

Elle avait les larmes aux yeux en rapprochant les lambeaux d’étoffe. Il la repoussa, et soudain, la voix douloureuse :

— Laisse-moi ! cria-t-il. Ah ! j’ai tort ? Ah ! on m’appellera femme de ville et pouilleux et je serai là et j’écouterai sans rien dire ? Tu crois ça, toi ! Les voisines entendant ces éclats de colère étaient accourues :

— Qu’y a-t-il, Jésus ?

— Ce qu’il y a, mes commères ! Il y a que les gars des Marandières m’ont embêté et que j’ai tombé dessus ; et que celle-ci me le reproche à cette heure ! Oui, Delphine, on m’a dit que tu étais une fainéante et une ruinée ; moi, je suis un chercheur de pain. Et il aurait fallu que je me taise ? J’en ai assez ! Nous autres valets qui nous tuons pour les patrons, on nous mettra sous les pieds ; parce que je suis un crève-de-faim, les gens me cracheront à la figure ! Nom de Diou, qu’ils y viennent !

Soulevé de colère, le poing haut, haletant, superbe, il défiait tous ceux qui l’avaient fait souffrir dans sa jeunesse et ceux pour qui il avait travaillé et ceux pour qui il trimerait encore, demain et toujours.

Delphine pleurait en dorlotant la petite qui s’était réveillée au bruit. Les voisines s’efforcèrent de les apaiser : ces choses-là arrivaient à tout le monde ; on avait vu bien d’autres valets enrager. Chez les Loriot surtout, cela n’était pas étonnant ! Ils avaient grand