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— Non, je ne suis pas content, crève-de-faim ! Non, je ne suis pas content, Pâtira !

— Tout de même, prends garde à tes paroles, Fédéri !

Mais l’autre, une mauvaise flamme dans les yeux :

— Prends garde, toi aussi, lentoux ! Je vais te sortir du pré !

Puis, étranglé de fureur, il vociféra en descendant de la charrette :

— Race de pouilleux et de gens ruinés ! Cherche-pain ! lentoux ! va-t’en ou je t’éreinte !

Séverin sentit ses mâchoires trembler et de petites choses bleues lui dansèrent devant les yeux ; il piqua sa fourche dans la terre et dit :

— Amène !

Ils se colletèrent, se bousculèrent un moment sans taper, comme deux taureaux qui essaient leurs cornes ; mais la chemise du valet ayant craqué, il en profita pour se rapprocher, et, soulevant l’autre, il le balança et retendit ; puis se garant la figure que Frédéric visait à coup d’ongles, il cogna.

Cependant le petit valet. Loriot et Louise accouraient avec leurs outils ; ils se jetèrent tous sur Séverin.

D’un bond il fut debout et empoigna l’aiguillon :

— Feignants ! cria-t-il, venez-y donc au cherche-pain ! venez-y donc tous, feignants !

Blanc de visage comme un mort, il leur rejeta l’insulte :

— Je suis un crève-de-faim, moi ! mais je vaux mieux que vous qu’êtes engendrés de chiens !