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cellus : le sculpteur castillan fait soupirer le marbre pour le jeune Alfonse ; le même gémissement sort du poëme et du tombeau.

Ostendent terris hunc tantum fata, nec ultra
Esse sinent.

Et qu’on ne m’accuse point de prêter des intentions au caprice des artistes, d’introduire l’allusion et le symbole là où ils ne mirent que la liberté de leur imagination et la délicatesse de leur ciseau. Ce n’est pas nous qui sommes en fonds pour prêter de l’esprit au quinzième siècle et à ses artistes, les plus spirituels qui furent jamais, les plus subtils, les plus amoureux d’allégories. Lorsque Juan de Mena menait le fil de son poëme allégorique jusqu’à composer trois cents octaves, comment le sculpteur n’aurait-il pas ajouté à son sujet ces emblèmes, compris, aimés de tous ses contemporains ? le même goût, le même raffinement, la même patience, qui assouplissaient la parole et qui entrelaçaient les rimes, faisaient sortir de la pierre les enroulements, les feuillages et les fleurs. Ici enfin, comme dans les lettres, le génie castillan s’est formé aux leçons de l’étranger. Ces Allemands venus de Cologne pour bâtir la Chartreuse, héritiers des traditions gothiques, ont pu apprendre aux Espagnols comment la théologie chrétienne peut se traduire en bas-reliefs et en statues. Les moines et les docteurs du Mausolée de Juan II me semblent bien les frères des pleureurs