Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

justes limites de puissance et de durée, rencontra trois sortes d’obstacles qui l’y continrent ; savoir : l’Église, la royauté, le tiers état. Au douzième siècle, le tiers état n’était point encore, à peine quelques communes venaient de se former, à peine ressentait-on, quelques secousses au lieu où devait s’élever le volcan. La royauté était faible, elle-même était féodale, et, dans sa naïveté, elle conservait encore un respect profond pour son principe : le roi n’était que le seigneur suzerain, et les ducs, les comtes et les barons étaient ses pairs. Restait l’Église, seule, mais forte de son antiquité, forte de son incorruptibilité. En présence d’un tel adversaire, la féodalité était contrainte de se tenir dans ses bornes, et si parfois elle essayait une sortie furtive, elle était bientôt repoussée, non sans un notable dommage pour son honneur et pour son crédit. Avec un tel auxiliaire, elle eût envahi la société tout entière, écrasé toute opposition, doublé l’intensité de son pouvoir, et prolongé de plusieurs âges l’ère de son règne. Saint Thomas de Cantorbéry empêcha que cette alliance ne fût conclue et comme les puissants d’alors étendaient des mains avides, et qu’il fallait les remplir, il leur donna sa vie ; et pendant ce temps-là l’Église sauvait dans un pan de sa robe la liberté des nations. Et remarquons ici que cette scène imposante du douzième siècle se représente avec une sorte d’heureuse monotonie à chaque époque de l’histoire. A