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collègues, dont un petit nombre seulement, restés fidèles à son infortune, soutenaient en secret son courage[1]. Son courage ne défaillit point. Il lui vint une noble et audacieuse inspiration. Au jour fatal marqué pour son jugement, ayant dit la messe de saint Étienne premier martyr, vêtu de ses vêtements pontificaux, portant le Viatique sur son cœur, et dans ses mains la croix archiépiscopale; armé de toutes les armes du ciel contre toutes les terreurs de la terre, intrépide au milieu des funestes pressentiments de ses serviteurs et de ses amis, il se rendit au palais, et s’assit dans le vestibule, tandis que ses juges, effrayés de cette solennelle apparition, se précipitaient en désordre dans la salle du conseil. Alors se succédèrent des scènes déchirantes de douleur, admirables de majesté. Tandis que la salle du conseil retentissait de violentes accusations, de paroles furieuses, de menaces et de blasphèmes, l’archevêque était seul dans la compagnie de quelques-uns de ses clercs et de ses moines, et sous

  1. Il faut compter dans ce nombre les évêques de Salisbury, de Vigorn et de Hereford. L’évêque Henri de Wincester déploya aussi dans ces jours d’alarme un caractère digne de louanges. Il répondit à l’évêque de Londres, qui demandait au nom du roi la démission de Thomas : « Un semblable conseil conduirait l’Église à sa ruine. Car, si notre primat et notre père nous laisse cet exemple qu’un évêque au premier signe menaçant d’un prince irrité abdique le soin des âmes ; qui lui sont soumises, que reste-t-il l’avenir, sinon le renversement de toutes les règles, la confusion de toutes a choses au gré des grands, et l’esclavage pour le clergé comme a pour le peuple ?»