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terre que pour y redescendre. Cette admirable faiblesse pour les pauvres le rendait fort contre les puissants et les riches, soit qu’il fallût troubler leurs orgies, ou faire trembler leur despotisme, soit qu’il s’agît de soutenir contre leurs violences l’indépendance de quelque prêtre obscur, ou de revendiquer contre leurs usurpations des biens ecclésiastiques devenus le patrimoine des indigents. Il conserva d’abord sa charge de chancelier ce fut pour la faire servir à ses généreux desseins ; pour imprimer au pouvoir politique une direction bienfaisante. Un des derniers actes de son ministère fut sa courageuse opposition au rétablissement de l’odieux impôt connu sous le nom de danegelt[1] : Puis, au bout d’un an, trouvant la crosse primatiale assez pesante, il rendit les sceaux, et brisa hardiment le dernier lien qui attachait sa fortune au trône des rois. Ainsi le génie de Thomas commençait à se manifester par l’énergie de ses actions. Une transformation rapide s’opérait en lui et devenait visible au dehors : le serviteur des princes, le compagnon des grands, l’homme opulent, léger et fragile, s’effaçait peu à peu, et l’on voyait surgir à la place un homme humble et fort, le prêtre, le pasteur des peuples, celui qui devait être le pre-

  1. Le danegelt était une taxe que les anciens rois anglo-saxons levaient sur leurs sujets pour faire face aux invasions des Danois. Quand les Normands, frères des Danois, se furent rendus maîtres de l’Angleterre, ils continuèrent de percevoir sur le peuple conquis cette taxe destinée à repousser la conquête.