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rayon de la cour. Voilà le jugement et la résolution de la haute cour des lords[1]. » Il est des caractères que l’adversité retrempe le malheur qui venait de frapper Bacon acheva de briser les ressorts de son âme. Après s’être tenu trente ans courbé sur les degrés du trône, vieillard débile, il ne put relever la tête. Durant les cinq années qui s’écoulèrent du jour de sa disgrâce à celui de sa mort, il ne cessa d’importuner le monarque aux gages duquel il avait été. Il en obtint successivement sa liberté, l’exemption de son amende, l’abrogation de la clause qui le bannissait de la cour, et enfin les lettres de grâce qui le relevaient de toute incapacité. Mais ses vœux n’étaient pas accomplis. Comme l’Orateur romain, sous les délicieux ombrages de Tusculum, regrettait les jours orageux de Catilina, les triomphes du Forum et les acclamations bruyantes de ses clients ; ainsi Bacon languissait dans sa docte retraite, se rappelant avec envie le temps de son esclavage doré, et cherchant a reprendre ce joug pesant qui avait laissé sur son front de si déplorables cicatrices. On souffre à le voir implorer tour à tour Buckingham, qui l’avait payé de tant d’ingratitude ; le prince de Galles, qui ne l’aimait pas, et qu’il appelle son rédempteur ; Jacques lui-même, qu’il nomme son créateur et presque son Dieu. Il est dé-

  1. Journal de la Chambre des lords, séance des 20 mars, 24 avril, 30 avril, 3 mai 1621. Voyez aussi Ruhwort.