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le terrain est déblayé, il est temps de prendre carrière. Deux routes sont ouvertes dans deux directions opposées : d’une part la méthode rationnelle, de l’autre la méthode expérimentale. Mais quelle est la force du raisonnement s’il ne prend des faits pour point d’appui ? Le syllogisme n’enseigne qu’à déduire des propositions, les propositions se composent de mots, les mots sont les signes des idées si les idées énoncées dans les prémisses ne sont pas fournies par l’expérience, le syllogisme ne déduira que l’erreur, et sa régularité logique ne sera qu’une forme savante du mensonge. Il n’est pas moins contraire aux intérêts de la science de s’arrêter à l’observation des faits, de s’abîmer dans une sorte de terreur superstitieuse en présence de leur multitude, et d’imposer silence à la raison pour se perdre dans une contemplation oisive. Les dogmatiques sont pareils aux araignées, qui tirent d’elles-mêmes la matière de leurs toiles fragiles ; les empiriques ressemblent aux fourmis, qui ensevelissent leur butin et qui n’entassent que pour jouir. Le sage imitera l’abeille, qui puise dans les fleurs des champs les sucs qu’elle aime, mais qui les modifie avec une industrie qui lui est propre, et les méta-

    tellectus sibi permissus congessit quin nobis pro suspecto sit nec nullo modo ratum, nisi novo judicio restiterit et secundum illud pronuntiatum fuerit. » C’est le doute méthodique de Descartes, et qu’Aristote avait déjà formulé dans ces termes : « Ἀναγκὴ πρὸς τὴν ἐπιζητουμένην ἐπιστημην ἐπελθειν ἡμας, περὶ ὧν ἈΠΟΡΗΣΑΙ δει πρῶτον. Ἡ γάρ ὓστερον εὐπορια λυσις ἐστι τῶν πρότερον ἁπορουμένων. Λύειν δὲ οὐκ ἔστιν ἀγνοῦντα δεσμόν. » (Métaph., l. III, ch. 1.)