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Ainsi s’évanouit le deus ex machina de la doctrine saint-simonienne ; elle redevient purement humaine, et l’œuvre du maître n’est plus qu’un système, dont la naissance et le développement s’expliquent sans peine à la raison.

SAINT-SIMON naquit dans un siècle de troubles et d’orages, où la science semblait s’être levée contre la foi, où des doctrines irréligieuses parties de la classe éclairée se répandaient, parmi le peuple, ou chaque jour enfin les passions décharnées semblaient marcher a la ruine de la société. À ce spectacle, il désespéra du Christianisme et de la France ; il crut assister à l’agonie de l’Église et de l’État : une imagination ardente lui persuada qu’il était appelé à bâtir sur leurs ruines, à régénérer la croyance religieuse et l’organisation sociale. Son erreur fut d’avoir méconnu l’invariabilité des principes selon lesquels l’humanité se développe, d’avoir cru que le but nécessaire de la critique est de détruire ; comme si juger et condamner étaient une même chose[1] .

Pour élever ce grand édifice qui était devenu l’objet de tous ses rêves, il recueillit ses souvenances, il alla frappant aux portes de toutes les écoles de l’antiquité et des temps modernes, glanant çà et là les lambeaux de mille conceptions philosophiques pour en revêtir la science nouvelle

  1. Critique, en grec κριτική de κρινεῖν juger, et non détruire