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les âmes les plus grossières à un haut degré de perfection ; il faut qu’ils connaissent toutes les profondeurs de la nature humaine; il faut qu’ils possèdent, ce qu’aucun philosophe n’a pu encore obtenir, une psychologie complète. La Providence ne saurait permettre que des hommes imparfaits gouvernassent le monde en dernier ressort. Qu’on me les montre donc ces êtres privilégiés, et je leur dirai : Vous êtes des dieux, ou plutôt encore je leur demanderai qui les a jugés eux-mêmes, qui a constaté leur capacité. Sont-ce leurs inférieurs en mérite, ceux qui leur doivent être soumis ? Mais alors les capables sont jugés par les incapables; ce qui, dans le système saint-simonien, est absurde ; ou bien les incapables reçoivent sans examen des autorités qui se constituent elles-mêmes, l’obéissance aveugle gouverne les peuples, et la société tombe dans le plus servile despotisme. Je sais qu’on répondra que la sympathie enfante des merveilles, que le plus capable se présentera de lui-même, et que les acclamations des sujets le porteront au pouvoir. Mais pour admettre dans cet assentiment une infaillibilité permanente, il faut faire table rase du conflit des passions, des intérêts qui se croisent, des intrigues qui se multiplient ; il faut faire abstraction de la différence des vues et des caractères ; il faut nier la versatilité des majorités, des masses populaires il faut supposer, en un mot, une nation parfaite ; et alors à quoi