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vrai pendant deux mille ans, peut devenir faux un jour, et en même temps croulera tout ce qui aura été posé sur cette base. Quelques années de critique renverseront les travaux élevés durant une longue période d’organisation ; les générations nouvelles ne profiteront plus des œuvres des générations antérieures ; le genre humain ne sera plus perfectible, et, nouveau Sisyphe, le voilà condamné à rouler sans cesse au haut de la montagne un énorme fardeau qui, au moment de toucher le sommet, retombera entraînant le malheureux dans sa chute.

Ces conséquences s’étendent aux idées morales. « Il faut, disaient naguère les adeptes de la doctrine, il faut une nouvelle classification des vertus. Longtemps on a voulu établir une distinction positive entre le bien et le mal, le juste et l’injuste. C’est une erreur : le bien n’est autre chose que le développement de l’humanité; tout ce qui peut y contribuer est juste . Ainsi se confondent l’utilité et la justice trop longtemps séparées ainsi encore le mal disparaît de la terre, le crime et le vice ne sont plus qu’un manque de perfection, effet d’un développement peu avancé, faible encore ».[1] Ces idées, comme celles que nous avons examinées tout à l’heure, révoltent la raison et la conscience. C’est, le consen-

  1. Précurseur, 1° juin. Tableau de la religion saint-simonienne.