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les mérites retombent sur nous, et nous avons moins de confiance, pour abriter nos têtes, dans le paratonnerre de nos toits, que dans la prière de cette femme et de ces petits enfants qui dorment sur une botte de paille au quatrième étage. Ne dites pas que si nous considérons la misère comme un sacerdoce, nous voulons la perpétuer la même autorité qui nous annonce qu’il y aura toujours des pauvres parmi nous est aussi celle qui nous ordonne de tout faire pour qu’il n’y en ait plus. C’est précisément « cette éminente dignité des pauvres dans l’Église de Dieu, » comme dit Bossuet, qui nous met à leurs pieds. Quand vous redoutez si fort d’obligercelui qui reçoit l’aumône, je crains que vous n’ayez jamais éprouvé qu’elle oblige aussi celui qui la donne. Ceux qui savent le chemin de la maison du pauvre, ceux qui ont balayé la poussière de son escalier, ceux-là ne frappent jamais a sa porte sans un sentiment de respect. Ils savent qu’en recevant d’eux le pain comme il reçoit de Dieu la lumière, l’indigent les honore; ils savent que l’on peut payer l’entrée des théâtres et des fêtes publiques, mais que rien ne payera jamais deux larmes de joie dans les yeux d’une pauvre mère, ni le serrement de main d’un honnête homme qu’on met en mesure d’attendre le retour du travail. Nous sommes tous malheureusement sujets à bien des hauteurs et à bien des brusqueries avec les gens de métier. Mais il y a bien peu d’hommes assez dépourvus de délicatesse