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croyez-vous avoir payé le vicaire à qui l’État donne cent écus par an pour être le père, l’instituteur, le consolateur d’un pauvre village perdu dans la montagne, ou le soldat qui reçoit cinq sous par jour pour mourir sous le drapeau ? Mais le soldat fait à la patrie l’aumône de son sang, le prêtre celle de sa parole, de sa pensée, de son cœur, qui ne connaîtra jamais les joies de la famille. Et la patrie à son tour ne leur fait pas l’injure de croire qu’elle les paye elle leur fait l’aumône qui leur permettra demain de recommencer l’humble dévouement d’aujourd’hui, de retourner auprès du lit du cholérique, ou sous le feu des Bédouins. Et ceci est si vrai pour le sacerdoce particulièrement, que l’Église, en acceptant la rétribution de la messe, n’a jamais consenti à la recevoir comme un salaire, mais comme une aumône, et que les grands ordres religieux du moyen âge, les plus savants, les plus actifs, firent profession de mendicité. Ne dites donc plus que j’humilie le pauvre, si je le traite comme le prêtre qui me bénit et comme le soldat qui se fait tuer pour moi.

L’aumône est donc la rétribution des services qui n’ont pas de salaire. Car à nos yeux l’indigent que nous assistons ne sera jamais l’homme inutile que vous supposez. Dans nos croyances, l’homme qui souffre sert Dieu, il sert par conséquent la société comme celui qui prie. Il accomplit à nos yeux un ministère d’expiation, un sacrifice dont