Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.

où l’homme dispose de son cœur est aussi celui où il dispose de sa destinée. Tout son avenir dépend du choix de la personne qui sera désormais l’inspiratrice et peut-être la compagne de ses travaux, auprès de laquelle il viendra chercher le conseil des moments difficiles et la consolation des jours mauvais. Le mariage ne fixe pas seulement la couche et le foyer, il décide de la carrière, il entame la vie. Rien ne rendra plus à l’homme ces incomparables années de sa jeunesse, où il ne voyait que des routes ouvertes, cet essor de l’imagination, capable de tout, excepté de désespérer, et cet effort d’un premier amour qui peut tout vaincre pour faire à autrui un sort glorieux et doux. S’ils savent ce qu’ils font, les deux époux sacrifient toutes ces choses, ils sont heureux de les sacrifier : ils n’ont pas besoin, ils ne peuvent pas souffrir qu’aucune loi vienne les protéger contre eux-mêmes, leur interdire l’aliénation à perpétuité de leur personne, changer le don en louage à terme et faire du mariage un marché.

Mais ce double sacrifice, les époux ne se le font pas seulement l’un à l’autre, ils le font à d’autres personnes absentes et inconnues : aux enfants à naître, en faveur desquels ils consentent à subir toutes les charges et toutes les douleurs de la vie domestique, à donner jusqu’à la dernière veille de leurs nuits, jusqu’à la dernière goutte de leurs sueurs et de leur sang. Ces personnes absentes ne