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clos. Mais lui, dressa une machine de guerre qui m’accabla de nouveaux coups.

« Les traits qu’il lançait étaient des pierres garnies de plomb, dont chacune pesait bien mille livres : il les lançait en grêle si épaisse, que je ne pouvais les compter. Aucune d’elles ne me manquait.

« Jamais il ne m’eût manqué, tant il savait tirer juste. J’étais couché à terre, sans pouvoir m’aider de mes membres. J’avais le corps tout rompu, et sans plus de sentiment qu’un homme trépassé.

« Trépassé, non par mort véritable, mais par excès de joie. Puis, reprenant possession de mon corps, je me sentis si fort, que je pus suivre les guides qui me conduisaient à la cour du ciel.

« Après être revenu à moi, aussitôt je m’armai je fis la guerre au Christ ; je chevauchai sur son terrain, et, l’ayant rencontré, j’en vins aux mains sans retard, et je me vengeai de lui.

« Quand je fus vengé, je fis avec lui un pacte ; car dès le commencement le Christ m’avait aimé d’un amour véritable. Maintenant mon cœur est devenu capable des consolations du Christ.

« L’amour m’a mis dans la fournaise, l’amour m’a mis dans la fournaise ; il m’a mis dans la fournaise d’amour[1]. »

  1. In foco amor mi mise
    .

    On trouve ce poëme parmi les œuvres de Jacopone de Todi (lib. VII, c. VI) mais je ne vois pas, dans le texte même, de motifs suffisants pour contredire la tradition qui l’attribue à saint François.