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pierre des trois cents autels qu’Auguste avait fait ériger aux dieux Lares dans les carrefours de Rome[1] : le temps n’a rien pu sur les souvenirs consacrés dans ce sixième livre, qui est comme le sanctuaire de l’Énéide. Il semble que Virgile, effrayé de la.grandeur même d’un tel travail, en ait d’abord tenté l’ébauche, et qu’il ait voulu essayer sa main par l’épisode d’Orphée et d’Eurydice, enchâssé dans le quatrième livre des Géorgiques, comme le diamant dans l’or. Il n’y a pas jusqu’au moucheron (Culex), héros du petit poëme attribué à sa jeunesse, qu’il n’ait conduit au bord du Cocyte pour décrire le peuple mélancolique des morts, au milieu duquel son âme se plaisait. Il avait déjà ce don des larmes qui a fait les grands poëtes chrétiens :

Sunt lacrymao rerum, et mentem mortalia tangunt.

Plus tard la foule des imitateurs se pressera-dans la route frayée je n’en vois pas un qui ne descende aux enfers : facilis descensus Averno. / Ovide y accompagne Orphée et Junon[2]. Silius Italicus ne peut se résoudre à produire Scipion sur la

  1. Voyez l’excellent Mémoire de M. Egger sur les historiens d’Auguste, et particulièrement l’Appendice sur les Augustales. Ovide, Fastes, v, 129.
  2. Ovide, Métamorphoses , VII, 409 ; IV, 432 ; X, 12 ; XI, 105. Le moyen âge lisait beaucoup les Métamorphoses d’Ovide. Parmi les professeurs, de l’université de Bologne au quatorzième siècle (1525), je trouve maître Vital, docteur en grammaire, engagé, au prix de cent livres par an, pour lire et pour commenter Cicéron et les Métamorphoses.