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rime moderne, une latinité exacte et toutes les réminiscences de l’épopée classique : «  Ô toi qui protéges de tes armes ces murailles ! garde-toi de dormir, je t’en donne l’avis ; mais veille ! Tant que le vigilant Hector vécut dans Troie, elle échappa aux ruses des Grecs. »

O tu qui servas armis ista mœnia,
Noli dormire, quaeso : sed vigila
Dum Hector vigil extitit in Troja,
Non eam cepit fraudulenta Græcia.

Il y avait donc une poésie chantée, vivante sur les lèvres du peuple, non-seulement dans les églises, où retentissaient les hymnes de saint Ambroise et de saint Grégoire, mais dans les camps, sur les places publiques, et jusque sous le balcon de plus d’une noble dame, charmée d’entendre ses louanges dans la langue d’Horace et de Virgile. Je pourrais multiplier les exemples, citer des chansons de table et des satires politiques. Je m’arrête à un poëme de quelque étendue je crois y saisir, plus reconnaissable qu’ailleurs, le génie italien avec ses habitudes, avec ses faiblesses. La flotte pisane vient de porter la guerre sur les côtes d’Afrique en 1088. Elle rentre, chargée des dépouilles sarrasines. Un poëte inconnu a voulu célébrer cette action dans un chant qui ne peut rien avoir que de populaire : les vers rimés ne gardent plus de traces de la prosodie classique et cependant tout y est plein des traditions de l’antiquité. Si vous prenez à la lettre