Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le voyant vètu d’une manière étrange et misérable, lui faisaient beaucoup d’affronts et beaucoup d’injures, comme on ferait à un fou. Or frère Bernard, avec patience et allégresse, supportait toutes ces choses pour l’amour du Christ. Bien plus, afin d’être mieux tourmenté, il se mit tout exprès sur la place de la ville, où, s’étant assis, il vit s’attrouper autour de lui beaucoup d’enfants et d’hommes : ils lui tiraient le capuchon, qui derrière, qui devant ; l’un lui jetait de la poussière, l’autre des pierres, et on le poussait qui deçà, qui delà ; et frère Bernard, toujours avec la même patience, d’un même air et d’un visage joyeux, demeurait calme et sans se plaindre.

Or pendant plusieurs jours il revint au même lieu, afin d’avoir à soutenir de pareils traitements. Et comme la patience est une œuvre de perfection et une épreuve de vertu, un savant docteur ès lois, voyant tant de constance et de vertu dans le frère Bernard, que~depuis tant de jours aucun outrage ni aucune injure n’avait pu troubler, se dit en lui-même : « Il est impossible que celui-ci ne soit pas un saint homme. » Et, s’approchant de lui, il lui demanda : « Qui es-tu ? et qu’es-tu venu faire ici ? » Frère Bernard, pour toute réponse, mit la main dans son sein, et en tira la règle de saint François, et la lui donna pour qu’il la lût. Et le docteur l’ayant lue, considérant le sublime état de perfection qu’elle prescrit, frappé d’étonnement et d’ad-