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l’or, l’azur et le cinabre, n’employa dans le cloître que des tons légers, tels seulement qu’il les fallait pour éclairer la scène et animer les figures ; tout de même l’écrivain des Fioretti ne manie point les éclatantes couleurs que Dante avait portées dans ses tableaux ; mais il a le langage parfaitement simple et naturel qui donne à tous les objets la lumière, et a tous les personnages le mouvement et la vie.

Il égale ainsi ces incomparables conteurs dont les Nouvelles charmèrent tant de fois les ennuis de l’Italie ; mais trop souvent aussi leurs récits voluptueux ne firent qu’amollir des générations destinées à la servitude. Au contraire, les Fleurs de saint François, tout aimables qu’elles sont, cachent une doctrine mâle, et faite pour des hommes libres. N’accusez pas la puérilité de ces légendes : ne dites pas qu’elles servent tout au plus à populariser les vertus du cloître. Quand saint Louis, en habit de pèlerin, va visiter frère Gilles à Pérouse, et que les deux saints, après s’être longuement embrassés, se séparent sans se dire une parole, parce que leurs deux cœurs se sont révélés l’un à l’autre, je reconnais le type de cette société chrétienne qui ne met plus de barrière entre l’âme d’un roi et celle d’un mendiant. Quand saint François reçoit sainte Claire au couvent de Sainte-Marie-des-Anges, la fait asseoir à ses côtés, et rompt le pain avec elle en présence de ses disciples, que fait-il, sinon d’enseigner le respect des femmes dans un pays où pesa long-