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en comparant les éditions, en les rapprochant des manuscrits, on trouve une différence singulière dans le nombre des pièces qu’on y compte. Le recueil de Jacopone a subi des interpolations nombreuses ; les copistes y ont introduit plusieurs cantiques du Franciscain Ugo della Panciera[1], et peut-être d’autres poëmes dont nous ne connaissons pas les auteurs. Ce fut le sort des livres vraiment populaires, au moyen âge, qu’on se servît de leurs pages pour conserver des compositions moins sûres de vivre ; à peu près comme on abritait dans une église les fragments de sculpture profane qu’on voulait sauver.

Il est vrai que le retour de fortune qui menace toutes les renommées d’ici-bas a fait depuis longtemps oublier Jacopone, comme tant d’écrivains, tant de peintres du même siècle. Nous aurions voulu tirer de l’ombre la figure de ce poète, qui se détache si bien de la foule, qu’il faut aller chercher sous des haillons et dans un cachot ; de ce

  1. Le manuscrit 8146 de la Bibliothèque nationale contient quatre-vingt-dix poèmes ; le manuscrit 7785 en renferme cent quinze ; l’édition princeps en a cent deux ; celle de Venise (1617), à laquelle je me suis attaché, n’en compte pas moins de deux cent onze. Dans ce nombre sont deux cantiques attribués par saint Bernardin de Sienne à saint François

    Amor de caritate.
    In foco l’amor mi mise

    Wadding cite un manuscrit de la bibliotheque Chigi (cod : 577) qui contient, avec des poésies de Jacopone, celles de Ugo de Prato, surnommé della Panciera, missionnaire en Tartario vers 1307, et mort vers 1330.