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soixante-six couplets une série de proverbes qui sont la philosophie du peuple « A qui la vie est douce, la mort, est douloureuse. Sache de la poussière tirer la pierre précieuse, de l’homme sans grâce une gracieuse parole, du fou la sagesse, et de l’épine la rose. Secours ton ennemi quand tu le trouves en péril. Si la souris peut délivrer le lion, si le moucheron peut précipiter le taureau, je te donne ce conseil de ne mépriser personne. Quand tu peux être humble, ne te montre pas fort[1]. »

Mais j’honore surtout ce poëte des pauvres lorsqu’il célèbre la pauvreté. Le peuple n’a jamais eu de plus grands serviteurs que les hommes qui lui apprirent à bénir sa destinée, qui rendirent la bêche légère sur l’épaule du laboureur, et firent rayonner l’espérance dans la cabane du tisserand. Plus d’une fois sans doute, au coucher du soleil, quand les bonnes gens de Todi revenaient du travail des champs et serpentaient le long de la colline, les hommes aiguillonnant leurs bœufs, les femmes portant sur le dos leurs enfants basanés, derrière eux quelques religieux franciscains, les pieds tout couverts de poussière, on les entendit chanter la chanson de Jacopone qui se mêlait aux tintements de l’Angélus : « Doux amour de pauvreté, combien, « faut-il que nous t’aimions –Pauvreté, ma pau-

  1. Jacopone, lib. II, 32.