Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en leur prêtant l’unité d’un système théologique. Sans doute un enchaînement rigoureux lie toute la doctrine de Jacopone, mais non les poëmes qui s’en échappent pour ainsi dire, qui se croisent et se mêlent : ainsi l’ordre règne dans la ruche, mais non dans l’essaim qui s’en détache pour se jeter sur les fleurs. Il faudrait suivre les improvisations de ce génie inégal ; il faudrait le voir, sublime quand il célèbre les fiançailles de l’âme et de l’amour divin, ironique et familier quand il raconte la dispute de l’esprit qui veut faire pénitence, et du corps qui regimbe sous la verge ; ingénieux et charmant s’il s’agit de composer la parure de l’âme appelée aux fêtes du paradis[1]. Je passe en me hâtant au milieu de tant de morceaux curieux pour m’arrêter à l’un des plus considérables : je veux parler d’une composition de quatre cent quarante vers, où, sous une forme empruntée à la fois du drame et de l’épopée, le poëte s’est proposé de chanter la réparation de la nature humaine.

LE POËTE. « L’homme, au. commencement, fut créé vertueux ; il méprisa ce bien par un excès de folie. La chute fut périlleuse. La loi veut que le retour soit laborieux. Qui ne connaît pas le chemin n’y voit que démence ; mais qui franchit le passage trouve la gloire, et, dès

  1. Jacopone, lib.V, 23 ; lib.IV, 33 ; lib II, 14 :

    Anima che desideri
    D’andare a paradiso.