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il loue ce repos, dans lequel viennent s’éteindre toute crainte et toute espérance, qu’il ne s’inquiète plus de son salut, et qu’il demande l’enfer à condition d’y porter l’amour, il est bien près du quiétisme où glissèrent les faux mystiques de son temps[1] . Pendant que les déchirements de l’Ordre de Saint-François donnaient jour aux Frères Spirituels, plusieurs de ceux-ci, poussés par la passion de contredire et d’innover, se jetèrent dans une doctrine qui éveillait depuis quelques années les sollicitudes de l’Église. « Comme l’empire de Dieu le Père, figuré par l’Ancien Testament, avait fait place au règne du Fils, qui eut sa loi dans le Testament Nouveau, ainsi disait-on, le temps était venu où l’avénement du Saint-Esprit allait s’accomplir où, sur les ruines des préceptes temporaires s’établirait un Évangile éternel. Dans cette

  1. Jacopone, II, 20

    De l’inferno non temere,
    Ne del cielo speme avere.

    II, 26

    Dimandai à Dio l’infermo,
    Lui amando e me perdendo.


    On reconnaît ici toutes les idées agitées dans la controverse de Bossuet et de Fénelon sur le quiétisme. Voyez surtout Bossuet, Instructions sur les états d’oraison, liv. III. Les expressions du poëte ne permettent pas de reconnaître si cet anéantissement, où la crainte et l’espérance disparaissent, est pour lui un état passager, ou bien un état durable et définitif, ce qui constituerait l’une des erreurs condamnées dans les Maximes des saints. A vrai dire, la question n’était pas posée de son temps comme elle le fut depuis ; il ne faut donc pas s’étonner s’il ne la résout point dans les termes qu’approuverait une théologie exacte.