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instruit les hommes par l’amour, et se révèle aux cœurs purs[1].Toutefois, pour être plus hardie, la voie que les mystiques ont choisie n’est pas moins laborieuse. En évitant les détours de la logique, ils se jettent dans les profondeurs de la morale, et par là c’est encore à l’étude de l’homme qu’ils se trouvaient reconduits. Leur premier soin sera donc de débrouiller le chaos de la nature déchue, et de démêler les passions contraires qui s’en disputent l’empire. Comme tous les moralistes chrétiens, Jacopone réduit à sept les désordres de la volonté. Cinq ont leur principe dans l’esprit : c’est la superbe avec les quatre filles qu’elle enfante pour le fléau du monde, savoir l’envie, la colère, la paresse et l’avarice. Deux autres naquirent de la chair ; ce sont la gourmandise et la luxure. En assistant à cet engendrement du mal, je ne m’étonne pas que le poëte s’épouvante, et que l’âme abandonnée au péché lui paraisse un enfer. « L’orgueil y siége sur un trône : mieux vaudrait pour l’âme loger un démon. L’envie y étend ses ténèbres ; une ombre si épaisse enveloppe le cœur, qu’on n’y voit plus vestige d’aucun bien. Là s’allume le feu de la colère qui entraîne la volonté à faire le mal : elle va, vient et s’agite ; elle mord comme

  1. Jacopone, Poesie spirituali , lib. I, sat. 1, sat. 10, sat. 18, sat. 8. Cf. saint Pierre Damien, Liber inscriptus Dominus vobiscum cap. I.»