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rendit enfin, et demanda grâce dans des vers qui respirent encore la fierté d’une âme mal domptée. Le prisonnier y défie son vainqueur et son juge;il lui propose un nouveau genre de combat « Absous-moi, dit-il, et laisse-moi les autres peines. jusqu’à l’heure de quitter ce monde. Frappe tant qu’il te plaît, je m’assure de vaincre à force d’aimer. Car je porte au cou deux boucliers sous lesquels je ne crains pas de blessure : le premier, d’un diamant éprouvé, c’est la haine de moi même ; l’autre, d’une escarboucle flamboyante, c’est l’amour d’autrui[1] . » Boniface ne répondit point à ce pieux défi. Les mois s’écoulèrent, et avec l’an 1500 s’ouvrit le jubilé universel, où le souverain Pontife convoquait les fidèles de toute la terre. Du fond de sa prison, Jacopone entendit les cantiques des pèlerins qui passaient, traînant leurs enfants avec eux, et portant sur leur dos leurs vieux pères pour aller chercher le pardon au tombeau des apôtres. Et pendant que deux cent mille étrangers à la fois inondaient les basiliques de Rome, pendant que les pécheurs repentants y trouvaient la paix, lui, tout brisé d’austérités, il n’avait part ni aux joies, ni aux prières, ni aux sacrements du peuple chrétien. Il adressa

  1. Jacopone, Poesie spirituale, lib.I, sat . 17:

    O Papa Bonifazio
    lo porto il tuo prefazio.