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dame de Sévignë et toute la cour prennent encore tant de plaisir à ces romans chevaleresques tout pleins des réminiscences du Saint-Graal et de la Table Ronde, pendant que Molière et la Fontaine s’inspirent des vieux fabliaux, Bossuet se montre nourri des docteurs scolastiques, et Corneille, songeant à son salut, revient à l’Imitation de Jésus-Christ et au cantique de saint Bonaventure. C’est seulement quand une génération plus délicate eut succédé à ces grands hommes, que la mode s’introduisit de dédaigner « l’art confus de nos vieux romanciers, » et de déplorer les ténèbres où vécurent saint Thomas d’Aquin et Roger Bacon. Si les peuples de l’Italie, au temps de saint Bonaventure, entendaient encore assez-la langue latine pour qu’elle fût parlée dans la chaire sacrée et dans les conseils des républiques, le moment était pourtant venu où la langue vulgaire, mûrie par les siècles, devait se trouver maîtresse des affaires et. des idées. Mais rien ne hâta plus son avènement que la prédication des Franciscains, que cette parole annoncée sur les places publiques et dans les campagnes, aux pauvres, aux gens illettrés, non pas selon les règles des théologiens, mais à la façon des harangueurs populaires. C’est ainsi que saint François ayant un jour visité le bourg de Montefeltro, où était réunie une grande foule jalouse de l’entendre, on rapporte qu’il monta sur un tertre qui