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dans un lieu retiré, Remi vint les trouver en secret ; et, après les avoir longuement exhortés, il finit en les assurant que si leur postérité demeurait fidèle aux lois de Dieu, elle régnerait avec gloire, exalterait la sainte Église, hériterait de la puissance romaine, et contiendrait par ses victoires les incursions des autres peuples[1]. Nous verrons en effet que toute la destinée des Francs était renfermée dans ces termes commencer la grandeur temporelle de l’Église, continuer les Romains, et finir les invasions.

Motifs de la

conversion de Clovis

Mission des Francs

Depuis l’avénement de Constantin, la religion avait eu la liberté plutôt que l’empire. Les traditions, les institutions, les habitudes du gouvernement romain, étaient restées païennes, et l’Évangile, déjà maître des mœurs, pénétrait difficilement dans les lois. Les Francs, au contraire, formaient un peuple nouveau, qui n’était —point engagé par douze siècles d’histoire, par des lois écrites, par l’éclat d’une littérature savante. Ils pouvaient disposer librement d’eux-mémes, et Clovis eut la gloire de fixer leurs incertitudes et les siennes. Dans cette conversion, dont on a contesté la sincérité, il y eut autre chose qu’un calcul politique, autre chose qu’une inspiration du désespoir

  1. Vita S. Remigii, Hinemaro auctore : « Qualiter scilicet successura eorum posteritas, regnum esset nobilissime propagatura atque gubernatura, et sanctam Ecclesiam sublimatura, omnique romana dignitate regnoque potitura, et victoriam contra aliarum gentium incursus adeptura.  »