Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/605

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gêne d’une vie commune, ces barbares qui ne souffraient point de voisins. Il les pousse enfin dans des écoles, pour les faire pâlir pendant sept ans sur les neuf livres de Martianus Capella et sur les dix catégories d’Aristote. Sans doute on peut demander si le christianisme employait bien le temps de ses disciples. On lui a reproché d’avoir flétri ces générations neuves, en les mettant au régime d’une civilisation vieillie;on a regretté pour les Germains la liberté de leurs forêts, ou les chênes auraient fini par rendre des oracles, comme à Dodone, et où les muses seraient descendues comme sur les montagnes de la Grèce, si elles n’avaient eu peur des moines et des pédagogues. Nous estimons au contraire que le travail, loin de gâter les peuples modernes, leur donna ce tempérament robuste qui a résisté à tant de révolutions. Nous ne nous repentons point de cette laborieuse éducation de nos aïeux, ni des siècles qu’ils passèrent à lire en latin, à versifier en latin, à parler latin. L’empreinte latine était encore le sceau de l’empire du monde ; et les nations qui en furent marquées plus fortement, la France, l’Angleterre et l’Espagne, étaient seules destinées à voir leur épée, leur politique et leurs langues sortir de l’Europe, et remuer toute la terre.

Le travail n’étouffe donc pas l’inspiration, il la féconde ; et nous pouvons dire maintenant qu’il n’y a point de siècles laborieux sans un souffle