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autre sagesse les gouvernât. Le christianisme ne douta point ; il ne désespéra pas des barbares, il ne se repentit point d’avoir pris leur parti dès le commencement, -lorsqu’ils ne servaient encore qu’à pourvoir les marchés d’esclaves et les tueries de gladiateurs. Saint Paul les avait déclarés égaux aux Grecs ; Salvien les mit au-dessus des Romains de son temps : « Vous pensez être meilleurs que les barbares ; ils sont hérétiques, dites-vous, et vous êtes orthodoxes. Je réponds que par la foi nous sommes meilleurs ; mais par notre vie, je dis avec larmes que nous sommes pires. Vous connaissez la loi, et vous la violez ; ils sont hérétiques, et ne le savent pas. Les Goths sont perfides, mais pudiques ; les Alains, voluptueux, mais fidèles ; les Francs, menteurs, mais hospitaliers ; la cruauté des Saxons fait horreur, mais on loue leur chasteté. Et nous nous étonnons que Dieu ait livré nos provinces aux barbares, quand leur pudeur purifie la terre encore toute souillée des débauches romaines[1].  » En même temps Paul Orose, disciple de saint Augustin, tout pénétré des rassurantes doctrines de la Cité de Dieu, écrivait ces paroles prophétiques : « Si les conquêtes d’Alexandre vous semblent glorieuses à

  1. Salvien, de Gubernatione Dei, lib. IV. «  Certe, inquit aliquis peccator et malignissimus, meliores barbaris sumus et hoc utique manifestum est quod non respicit res humanas Deus. An meliores barbaris simus jam videbimus. » Ibid., V, VII. Cf. saint Augustin, de Civitate , I, 7; IV, 29.