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les dieux impuissants à sauver leurs autels. Mais toutes les habitudes de la poésie du Nord s’y font jour, l’allitération, la témérité des métaphores, le luxe des périphrases. Aldhelm excelle aux jeux d’esprit ; les acrostiches font son triomphe, et l’obscurité de ses énigmes peut défier tous les Œdipes du Nord. Cependant, au moment où l'on croit avoir affaire à la barbarie toute seule, ce sont les raffinements de la décadence qu’on retrouve, et les mots grecs dont le poëte charge ses vers montrent déjà le disciple de ces écoles où l’on faisait profession d’écrire pour le petit nombre des initiés[1] (1). Il achève de se découvrir dans une lettre adressée à son ami Eadfrid, qui vient d’étudier en Irlande, et qu’il félicite de manière à faire voir que l’Angleterre n’a rien à envier aux savants maîtres de l’île voisine. L’épître, écrite en style philosophique, comme on disait, semée d’hellénismes, débute par

  1. Th. Wright, Biographia Britannica, Ânglo- saxon period, p. 209, et les deux. Vies d’Aldhelm, l’une par Guillaume de Malmsbury, l’autre par le moine Faricius, du douzième siècle. Ces deux témoignages s’accordent à lui faire étudier la langue grecque. W. Malmsb. « Pusio grecis et latinis eruditus litteris. » Faricius « Miro denique modo gratis facundia omnia idiomata sciebat, et quasi Grascus natione scriptis et verbis pronuntiabat. » Aldhelmi De septenario et de re grammatica et metrica ad Acircium regem, apud Mai, Auctores classici, t. V, p. 501. Aldhelm (ibid., p. 597) s’applique ces vers de Virgile

    Primus ego in patriam mecum, modo vita supersit,
    Aonio redicns deducam vertice musas.

    Aldhelmi De laude Virginum liber metricus,Aenigmata, etc. Parmi les mots grecs dont son style est hérissé,’je remarque ceux-ci : salpix, strophosus, orama, cephale.