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expirant entre deux barbares, et moins touché de la ruine de l’empire que du péril de leurs âmes[1].

L’anachorète qui, défendit le Norique veillait en même temps dans l’intérêt de toute la chrétienté. Si le débordement des invasions se fût précipité d’un seul coup, il aurait submergé la civilisation. L’empire était ouvert, mais les peuples n’y devaient entrer qu’un à un ; et le sacerdoce chrétien se mit sur la brèche, afin de les retenir jusqu’au moment marqué, et, pour ainsi dire, jusqu’à l’appel de leur nom. Attila trouva saint Léon au passage du Mincio, comme saint Aignan sur les murs d’Orléans, et saint-Loup aux portes de Troyes. Saint Germain d’Auxerre arrêta Eocharich, roi des Alemans au cœur de la Gaule, comme sainte Severin avait contenu leurs bandes sur les chemins de l’Italie. La postérité ne sait pas assez ce qu’elle doit à ces grands serviteurs de la Providence, qui eurent la gloire peu commune, non de presser leur siècle, mais de le retarder. En des temps si désastreux, dix ans de délai pouvaient être le salut du monde. Peut-être si Odoacre, maître de Rome, usa de clémence s’il épargna les monuments, les lois, les écoles, et ne détruisit que le vain nom de l’empire, c’est qu’il se souvint, comme on l’a vu, du moine romain qui avait prédit sa victoire et béni sa jeunesse.

  1. Sur les rapports de saint Severin avec les barbares, cap. II et passim. Odoacre, cap. II et IX. Gibold, cap. VI. Fléthée et Gisa, cap. III, IX.