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demande à haranguer son peuple, et qu’une partie des Francs, refusant de le suivre au baptême, se retire sous la conduite d’un autre chef. Quoi de plus célèbre que —l’aventure de Soissons ? Clovis s’humilie jusqu’à demander le vase sacré qu’il veut retirer du butin mais une voix lui répond « Tu n’auras que ta part. » Le couteau qui égorgea les enfants de Clodomir suppléait au droit de déposition et on ne peut croire à l’inamissibilité du pouvoir chez les Mérovingiens, quand les envoyés de Childebert viennent dire à Gontran « La hache qu’on a enfoncée dans le crâne de tes frères n’est pas perdue. » La royauté, interrompue dans la nation lombarde après la mort de Clefi, devient élective chez les Visigoths d’Espagne, elle disparaît chez les Saxons ; et il faut reconnaître qu’en se jetant dans les combats elle en court tous les hasards[1].

La royauté devient une magistrature romaine.

Ce fut donc un avantage singulier pour les rois barbares, quand ils pénétrèrent dans le monde romain, d’y trouver, avec le péril d’une lutte militaire qui compromettait leur puissance, un prestige légal qui la releva. Je ne m’étonne pas que ces

  1. Tacite, Historiae, IV, 1. « Impositusque scuto, more gentis, et sustinentium humeris vibratus, dux eligitur. »Germania, 7, 10, 11, 43. Ammian., XXVIII, 5. Gregor. Turon., II, 27 VII, 14 : « Scimus salvam esse securim quae fratrum tuorum capitibus est defixa.» M. de Saint-Priest, dans sa savante Histoire de la Royauté, imite avec dédain ce qu’il appelle l’historiette du vase de Soissons. Il ne tient peut-être pas assez de compte des témoignages plus sérieux qui prouvent la faiblesse de la royauté barbare.