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rassurés des retraites où ils n'attendaient plus que la mort ou la servitude ; les vainqueurs et les vaincus se mêlèrent, et leurs voix se confondirent dans les mêmes cantiques. C’est alors que saint Augustin croyait voir. les barbares entrer à flots précipités dans cette cité mystique de l’Église dont il traçait le dessin, et qu’il s’écriait « La dernière table de la proscription de Sylla fit périr plus de sénateurs que les Goths n’en dépouillèrent. Tout ce qui s’est vu de meurtres, d’incendies et de pillage dans ce récent désastre de Rome est arrivé selon la loi ordinaire des combats. Mais ce qui est nouveau et sans exemple, c’est que. la férocité barbare se soit adoucie jusqu’à ce point, que nos basiliques soient devenues des asiles où nul n’a été frappé, d’où nul n’a été enlevé, où l’on a conduit tout ce qu’épargnait la fureur de l’ennemi. Celui-là, est aveugle qui ne reconnaît point ici la puissance du Christ et le bienfait des temps chrétiens[1].  »

Mais déjà la mobilité des barbares avait détruit ces espérances. Parmi le grand nombre d’aventuriers, de transfuges et. de proscrits que le hasard des événements poussait chez les peuples du Nord,

  1. Paul Orose, VII, 28. « Hymnus Romanis barbarisque concinentibus publice canitur. Personat late, in excidio urbis, salutis tuba, omnesque etiam in abditis latentes invitât ac pulsat. Concurrunt ad vasa Petri vasa Christi. Plurimi pagani christianis,, professione, si non fide, admiscentur, et per hoc tamen ad tempus, quo magis confundantur, evadunt. » Cf. saint Augustin, de Civit. Dei, I, 7;IV, 29.