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Au milieu de ces mœurs violentes, le christianisme venait introduire l’idée la plus civilisatrice qui fut jamais, l’idée d’une société de tout le genre humain gouvernée par une autorité spirituelle, sans armes et sans lignée. Il faut voir comment une pensée si nouvelle se réalisa sur cette dangereuse terre de Germanie, comment elle soutint tout l’édifice déjà hiérarchie ecclésiastique, s’affermit par les décisions des conciles, pénétra dans les mœurs des peuples, et les remua jusqu’au fond.

La papauté

L’Église ne plaçait l’autorité qu’en Dieu seul, dont la volonté est la sanction de tous les droits. Au-dessous de lui, elle ne reconnaissait que des pouvoirs délégués : le souverain pontife n’avait pas d’autre titre que celui de vicaire de Dieu parmi les hommes. Quand donc les barbares, habitués à suivre des chefs qu’ils voyaient, qu’ils admiraient tous les jours[1], entrèrent dans la communauté chrétienne, ils apprirent qu’on y obéissait à un chef invisible, représenté ici-bas par un vieillard qu’ils n’avaient jamais vu, qui habitait une ville éloignée au delà des monts et des fleuves. Cependant c’était cet étranger qui faisait tout mouvoir chez eux : rien de considérable ne s’entreprenait qu’en son nom. Les évêques du premier concile germanique, en 742, avaient publié solennelle-

  1. Tacite, Germania, 7 : « Duces exemplo potius quam imperio, si prompti, si conspicui ; si ante aciem agunt, admiratione praesunt. »