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moitié de leurs lois ils gardèrent leur génie ou plutôt ce génie ne se fit voir tout entier que sous le soleil qui devait le mûrir, et en présence des spectacles qui devaient l’inspirer. Ces anciens rois de la mer conservèrent la passion des conquêtes lointaines elle leur livra l’Angleterre, l’Italie méridionale, la principauté d’Antioche; mais ce fut pour y porter tout l’éclat de la chevalerie, et toute la science pratique du gouvernement. Ces brûleurs de villes devinrent les plus hardis, les plus infatigables des constructeurs et, pendant qu’ils élevaient les innombrables clochers gothiques, qui accompagnent le cours de la Seine jusqu’à l’Océan, ils bâtissaient les belles églises de Sicile ; ils couvraient d’or et de mosaïques les resplendissantes basiliques de Cefalu, de Palerme et de Montréal. Enfin, ils n’avaient, point laissé sur les froids rivages du Nord l’inspiration poétique qui avait dicté les hymnes des Scaldes et les récits de l’Edda. Ils ne savaient combattre qu’au bruit, des chants de guerre ; la joie des banquets n’était pas complète si le rapsode ne s’y faisait entendre, et le voyageur qu’on hébergeait acquittait la dette de l’hospitalité par un conte ou par une chanson. La Normandie, cette riche province, ce pays de soldats et de monuments, devint aussi un pays de poëtes. Il fallait l’intarissable fécondité de ses trouvères pour achever de former la langue d’Oil, c’est-à-dire la nôtre, comme il fallait l’épée de Tancrède aux croisades,