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lisation chrétienne[1] . Ils viennent les derniers de tous, mais non pas les moins utiles, se mettre au service de la chrétienté, dont ils avaient fait le péril et la terreur. On a beaucoup accusé la faiblesse de Charles le Simple, qui livra aux Normands la plus riche de ses provinces. Charles, cependant, ne fit que s’attacher à l’ancienne politique romaine : il s’empara de ces bandes indisciplinées, pour les réduire en colonies militaires, et leur confier la garde du littoral. On ne voit pas qu’il ait eu sujet de s’en repentir. A la seconde génération, tous les Normands étaient chrétiens ; avant le onzième siècle, ils avaient oublié l’idiome de leurs ancêtres. Cependant ils renouvelaient le sang germanique en Neustrie, dans cette partie de la France que les premières invasions avaient moins atteinte ; ils l’assimilaient ainsi à l’Austrasie et à la Bourgogne, et, par la fusion des races, ils travaillaient à l’unité du territoire. Jamais on ne vit d’une manière plus manifeste ce que les barbares avaient à donner et ce qu’ils avaient à gagner en venant se confondre dans la société. Quand les Allemands déplorent tout ce que perdirent les nations germaniques en se faisant latines, je ne connais pas d’exemple plus concluant contre eux que celui de ce peuple, le plus dépaysé de tous et le plus fécond. Les Normands avaient perdu leurs anciens dieux, leur langue, la

  1. Sur les Scandinaves et leurs migrations, voyezles Germains avant le Christianisme , chap. 1.