Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre n’eurent pas d’historiens. Parmi celles qu’on écrivit, je m’arrête à la légende de saint Liudger, parce qu’elle pénètre plus profondément dans les habitudes de l’époque, et qu’elle découvre mieux les ressorts qui entraînèrent la conversion générale.

S. Liudger. Sa mère. Ses commencements.


Dans un canton de la Frise où la foi commençait à s’introduire, la femme d’un chef chrétien avait mis au monde une fille. L’aïeule, encore païenne, irritée contre sa bru, qui ne lui donnait pas de petit-fils, ordonna que l’enfant fût étouffée, comme le permettaient les lois, avant qu’elle eût goûté le lait de sa mère ou la nourriture des hommes ; l’esclave l’emporta pour la noyer et la plongea dans un grand vase plein d’eau. Mais l’enfant, étendant ses petites mains, se retenait aux bords. Ses cris attirèrent une femme du voisinage, qui l’arracha des bras de l’esclave, l’emporta dans sa maison et lui mouilla les lèvres d’un peu de miel : dès lors les lois ne permettaient pas qu’elle mourût : ce fut la mère de saint Liudger.

Le signe de Dieu était sur cette maison, et l’on vit de bonne heure ce que Liudger serait un jour[1].

  1. Je détache de la biographie latine de saint Liudger le trait suivant, qui n’est pas sans gràce :on y voit quel changement s’était fait en peu d’années dans les mœurs de ces familles barbares, où les mères ordonnaient, sans sourciller, d' étouffer leurs enfants. « Statim ut ambulare et loqui poterat, cœpit colligere pelliculas et cortices arborum quibus ad luminaria uti solemus ; et quidquid tale inveniri poterat, ludentibusque pueris aliis, ipse cônsuit sibi de