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tribus menacées se soumirent au baptême, reçurent des secours, marchèrent contre Àthanaric et furent victorieuses. Depuis ce jour, rien ne résista plus à la prédication d’Ulphilas. Il acheva son œuvre par la traduction des saintes Écritures, monument célèbre et resté jusqu’à nous. C’était fixer le christianisme dans la nation, que de le fixer dans la langue. L’évêque s’en rendit maître, et la força d’obéir à la pensée chrétienne ; il contraignit cette parole sanguinaire à répéter les psaumes de David, les paraboles évangéliques, la théologie de saint Paul. Mais il ne traduisit point les livres des Rois, de peur que, la lettre tuant l’esprit, les récits sacrés ne servissent qu’à réveiller les passions guerrières de ses barbares. L’alphabet runique, usité chez les Goths, avait suffi à tracer des présages sur des baguettes superstitieuses ou des inscriptions sur les sépultures : il fallut le compléter pour un usage plus savant, et le nombre des lettres fut porté de seize à vingt-quatre. La langue gothique, façonnée de la sorte, prit un singulier caractère de douceur et de majesté. On put voir que les grandes qualités des idiomes classiques ne périraient pas avec eux ; et la traduction de la Bible, ce livre éternel, commença la première des littératures modernes. Quand Ulphilas parut, peut-être après une longue retraite, radieux de sainteté, apportant l’Ancien et le Nouveau Testament au peuple campé dans les plaines de la Mésie, on crut qu’il descendait du Sinaï ; les