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au démon ils —les tueront seulement pour s’en nourrir en glorifiant. Dieu, et ils rendront grâces au dispensateur, de toutes choses ; de sorte que, si on leur permet encore quelques joies extérieures, Ils puissent goûter plus facilement les joies de l’esprit. Car il est impossible de tout retrancher d’un seul coup à des âmes sauvages et celui qui veut atteindre un lieu élevé n’y arrive que pas à pas, et non par élans. On a blâmé la condescendance de saint Grégoire pour les Anglo-Saxons ; on lui reproche d’avoir corrompu la sévérité de la loi chrétienne en l’accommodant à leurs superstitions, et d’avoir ouvert la porte du sanctuaire au paganisme. L’Église romaine, en effet, s’était attachée à cette règle, de distinguer dans le paganisme deux choses l’erreur, qui est l’adoration de la créature ; et la vérité, qui est l’essence même de la religion, telle que la nature humaine la conçoit et la veut, avec les temples, les sacerdoces, —les sacrifices. En respectant les habitudes religieuses des peuples, l’Église faisait acte de sagesse premièrement, mais aussi de charité. Car s’il est quelque chose a quoi les hommes tiennent plus qu’à la terre qui les nourrit, plus qu’aux enfants qu’ils élèvent sur leurs genoux, ce sont les traditions qui consacrent pour eux le sol du pays, et les fêtes qui les arrachent un moment aux durs et monotones devoirs de la vie[1].

  1. S.Gregorii Epist., lib. IX, 76 : «Nam duris mentibus simul