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Grégoire. Cet homme, de famille sénatoriale, d’une éducation délicate, d’une âme si scrupuleuse, que les soins temporels de la papauté le désolaient, d’une santési déplorable que durant plusieurs années il ne se leva qu’aux jours de fête pour célébrer les offices solennels, devait pourtant remuer toute la chrétienté, l’agrandir, et lui donner la forme que le moyen âge garda. Il voyait l’Orient travaillé par l’orgueil du schisme et par tous les vices de la décadence, l’Occident au pouvoir du paganisme et de l’hérésie aux portes de Rome, en Italie et en Espagne, les Goths et les Lombards persévéraient dans l’erreur d’Arius ; les Saxons païens étaient maîtres de la Bretagne ; et, en Gaule, les Francs de Brunehaut et de Frédégonde ne valaient pas mieux que les Infidèles. En présence de ces périls, et quand les plus fermes esprits croyaient toucher à la fin des temps, saint Grégoire avait eu le courage de renoncer au dangereux appui des empereurs byzantins, et de mettre toutes les espérances de la civilisation chrétienne dans les barbares. Comme ses prédécesseurs, mais d’une vue plus assurée, il reconnaissait le dessein de Dieu sur la race des Francs, et il écrivait à Childebert : « Autant la dignité royale est au-dessus de toutes les conditions humaines, autant votre royauté l’emporte sur les autres royautés des nations. Car, ainsi qu’une grande lampe brille de tout l’éclat de sa lumière dans l’obscurité d’une profonde