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pensées qui laissent une douceur infinie dans l’esprit, soit quand il montre la colombe blanche s’échappant du bûcher de sainte Eulalie, ou quand il invité les jeunes filles à porter au tombeau de la vierge martyre les violettes à pleines corbeilles, se réservant, lui, de tresser des guirlandes de vers pâles et fanés, « mais qui cependant ont un air de fête ; » ou encore lorsque, achevant le récit du martyre de saint Romain, le poëte pense à lui-même et conclut par ce vœu touchant « Je voudrais, rangé comme je le serai, à gauche, parmi les boucs, du moins je voudrais être reconnu de loin et qu’aux prières du martyr le juge miséricordieux se retournât en disant Romain m’a prié, qu’on m’apporte ce bouc, qu’il soit à ma droite, qu’il soit agneau et qu’il en revête la toison »

Velim sinister inter haedorum greges,
Ut sum futurus, eminus dignoscerer,
Atque hoc precante diceret rex optimus
Romanus orat transfer hune hœdum mihi
Sit dexter agnus, induatur vellere[1]

Cet homme, dont j’admire les vers, ne restera jamais sans admirateurs. Le moyen âge lui rendra un culte égal à celui que reçoivent les plus illustres docteurs, Boèce, Bède, saint Boniface. Tous les écrivains du septième siècle se plaisent à emprunter ses vers pour servir d’exemples à côté des plus

  1. Prudence, Peristeph., X, 1136 et seq.