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Dante nous fait. parcourir les trois royaumes de l’enfer, du purgatoire et du paradis ; mais il les a peuplés d’hommes semblables à lui, et c’est dans -leur entretien qu’il fera jaillir ces flots de poésie dont son siècle fut inondé. Au contraire, lorsque la poésie chrétienne a voulu toucher au mystère de la rédemption, lorsqu’elle a voulu toucher au nœud de l’épopée divine, elle a hésité, et quel que fût le génie de ceux qui s’y appliquaient, ce génie s’est trouvé arrêté, flottant dans ses conceptions qu’il y portât la piété qui respire dans les œuvres de Hroswitha, célébrant la sainte enfance du Sauveur, ou de Gerson, dans le charmant poëme intitulé Josephina consacré au même sujet ; qu’il y mît toute la forme savante et élégante de la Renaissance, comme Sannazar dans son livre de Partu Virginis, ou Vida dans sa Christiade ; qu’il y portât enfin la témérité de l’esprit moderne, et aussi les charmes d’une imagination rêveuse, d’un esprit admirablement doué, et trop dédaigné depuis, comme Klopstock néanmoins il échoue toujours. C’est qu’il y a encore trop de foi dans le monde chrétien, c’est que la figure auguste du Christ inspire trop de respect pour que les mains puissent s’en approcher sans trembler. Les peintres ont pu la tracer, parce qu’il n’y avait pas d’image authentique, mais les poëtes ne peuvent lui prêter la parole et l’action, parce que la réalité de l’Évangile les écrase. La Providence n’a pas