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de cent treize ans, ce qui n’est point sans exemple, avec cette sobriété de vie et ces mœurs de l’Orient. Il touchait a sa dernière heure, lorsque, à quelques journées de là, dans ces mêmes solitudes de la Thébaïde, l’anachorète Antoine, qui avait quatre-vingt-dix ans/et servait Dieu dans le désert depuis longues années, eut un jour une tentation et se prit à penser qu’il était peut-être bien le moine le plus ancien et le plus parfait qui fût dans le monde. Mais, la nuit suivante, un avertissement d’en haut lui vint d’aller chercher un moine plus ancien et plus parfait que lui, et la direction qu’il devait prendre pour le trouver lui fut marquée. Le lendemain, Antoine se mit en route, et ce vieillard, déjà tout courbé sous les années, s’avançant péniblement plié sur son bâton, sous le poids d’une chaleur accablante pendant quatre jours et quatre nuits, finit par tomber exténué à la porte d’une caverne creusée dans le roc ; il heurta assez fort pour que Paul, qui était dedans, l’entendît et se présentât sur le seuil. Après quelques difficultés pour ouvrir cette porte infranchissable qui défendait sa solitude, Paul se décida cependant ; il introduisit auprès de lui l’anachorète Antoine, et, voyant pour la première fois depuis si longtemps un autre homme, lui demanda si, dans les villes, on continuait toujours à élever des toits à côté d’autres toits, si les anciens empires étaient toujours debout et si les autels des faux dieux fumaient