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quence qui leur convient : elle sera simple, comme il la faut à saint Eloi, à saint Gall, à saint Boniface, pour toucher les âmes de ces néophytes encore tout remplis des souvenirs de leur paganisme grossier et des divinités sanguinaires du Valhalla. Elle sera familière et rustique s’il le faut, comme il convient aux prédicateurs dés temps carlovingiens qui auront à instruire et à éclairer des porchers et des bouviers pour lesquels ils stipulent avec tant de soin le repos du dimanche, afin qu’il leur reste un jour au moins pour s’instruire et-arriver à la connaissance de leur religion. Il faudra aussi que cette parole reste assez élevée, assez puissante, pour conserver les hautes pensées de la métaphysique chrétienne, en rendre toute la délicatesse, tous les détails les plus difficiles à saisir et les faire pénétrer, les uns après les autres, dans des intelligences qui semblent les moins faites pour les entendre il faudra enfin qu’elle demeure assez forte et assez efficace pour que, a un moment donné, elle puisse ébranler les nations. Après avoir étudié les prodiges obscurs de la parole, nous ne serons plus étonnés de ce qu’elle a fait au huitième et au neuvième siècle ; il est plus difficile de créer des sociétés que de les conduire et de les armer ensuite. Quand je vois la prédication chrétienne assez forte pour arracher des populations entières au paganisme, pour les amener à des mœurs nouvelles, pour déraciner les plus opiniâtres passions, je ne suis pas étonné de la